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lundi 3 octobre 2011

L’incroyable diktat de Trichet à Berlusconi via Les-Crises.fr

"Pour commencer la semaine, pas de graphique, mais un recentrage sur les fondamentaux.
J’ai relu 3 fois ce document tant j’étais stupéfait.
Vous en avez entendu parler il y a quelques semaines, il vient de sortir dans Challenges.
Il s’agit de la lettre “comminatoire” de la BCE à l’Italie.
Elle se passe de longs commentaires…"
"L’incroyable diktat de Trichet à Berlusconi
Remise en cause de la législation sur les licenciements, privatisation massive, baisse des salaires des fonctionnaires… Dans le courrier jusque-là secret qu’il lui avait envoyé en août, le patron de la BCE se montrait très exigeant avec le gouvernement italien. Découvrez le contenu intégral de ce courrier.
Ce jeudi, elle est enfin sortie. La fameuse lettre envoyée le 5 août par Jean-Claude Trichet (actuel patron de la BCE) et Mario Draghi (son successeur dès le 1er novembre) au gouvernement italien pour l’enjoindre à la rigueur. Le pousser à davantage de réformes et de libéralisme. On était au plus fort des attaques de spéculateurs contre la zone euro, et notamment contre l’Italie et l’Espagne.

Le 24 août, Challenges avait rencontré Jean-Claude Trichet à Francfort. Le grand argentier avait alors reconnu l’existence de deux lettres, une envoyée à Rome, l’autre à Madrid, mais avait refusé le terme d’ultimatum. Il avait alors précisé : “Le cas est exceptionnel. Nous étions en présence de dysfonctionnements importants sur les marchés de la dette publique de certains pays de la zone euro. Nous avons dit à leurs gouvernements ce qui, à notre sens, était nécessaire pour un retour à une crédibilité vis-à-vis des investisseurs. C’était un message, ce n’était pas une négociation”. Et d’ajouter: “Nous continuons de dire les choses fermement, comme nous l’avons toujours fait”.
Jusqu’à présent, le contenu de cette missive était resté archi secret. Ce matin, il est paru dans Corriere della Sera.
Challenges l’a traduite pour ses lecteurs."

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“Cher Premier ministre,
Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a discuté le 4 août de la situation de l’Italie sur les marchés obligataires. Le conseil des gouverneurs considère que les autorités italiennes doivent d’urgence adopter des mesures propres à restaurer la confiance des investisseurs.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro avaient conclu lors du sommet du 21 juillet 2011 que «tous les pays de la zone euro réaffirment solennellement leur détermination inflexible à honorer pleinement leur signature souveraine, ainsi que tous leurs engagements à mettre en place des conditions fiscales durables et des réformes structurelles». Le Conseil des gouverneurs considère que l’Italie doit d’urgence rétablir la qualité de sa signature souveraine, et réaffirmer son engagement pour une stabilité fiscale et des réformes structurelles.
Le gouvernement italien a décidé d’établir un budget équilibré en 2014 et, à cette fin, a récemment mis en place un paquet fiscal. Ce sont des engagements importants, mais ils ne sont pas suffisants.
Dans les circonstances actuelles, nous considérons les mesures suivantes commeindispensables :
1. Nous estimons qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures d’envergure pour stimuler une croissance potentielle. Quelques décisions récentes prises par le gouvernement vont dans ce sens ; d’autres sont en cours de discussion avec les partenaires sociaux. Cependant, il faut faire davantage et il est crucial d’avancer avec détermination. Des défis clés consistent à accroître la compétition, particulièrement dans les services, pour améliorer la qualité des services publics et pour mettre en place une régulation et des systèmes fiscaux mieux adaptés au soutien de la compétitivité des entreprises et à l’efficacité du marché du travail.
a) Une stratégie de réforme globale, profonde et crédible, incluant la libéralisation totale des services publics locaux et des services professionnels est nécessaire. Cela devrait être appliqué en particulier à l’offre de services locaux, via des privatisations de grande ampleur.
b) Il est aussi nécessaire de réformer davantage le mécanisme collectif de négociation salariale permettant des accords d’entreprises, afin d’adapter les salaires et conditions de travail aux besoins spécifiques des firmes et d’améliorer leur pertinence vis-à-vis d’autres niveaux de négociations. L’accord du 28 juin entre les principaux syndicats et les associations patronales industrielles va dans ce sens.
c) Une révision en profondeur des règles régissant le recrutement et le licenciement des salariés devrait être adoptée, conjointement à la création d’un système d’assurance-chômage et d’une série de politiques actives du marché du travail capables de faciliter la réallocation des ressources vers les entreprises et les secteurs les plus compétitifs.
2. Le gouvernement doit prendre des mesures immédiates et courageuses pour garantir la pérennité des finances publiques.
a) Des mesures fiscales correctives supplémentaires sont nécessaires. Nous considérons qu’il est essentiel que les autorités italiennes avancent l’application des mesures adoptées en juillet 2011 d’au moins un an. Le but devrait être d’atteindre un déficit budgétaire meilleur que prévu en 2011, un emprunt net de 1% en 2012 et un budget équilibré en 2013, principalement via une réduction des dépenses.
Il est possible d’intervenir davantage dans le système de retraites, en rendant plus contraignants les critères d’éligibilité aux pensions d’ancienneté et en alignant rapidement l’âge de la retraite des femmes ayant travaillé dans le secteur privé sur celui appliqué aux employées du public, permettant ainsi de faire des économies dès 2012. Le gouvernement devrait également envisager de réduire de façon significative le coût des emplois publics, en durcissant les règles de renouvellement du personnel et, si nécessaire, en baissant les salaires.
b) Un mécanisme de réduction automatique du déficit devrait être mise en place, stipulant que tout dérapage par rapport aux objectifs sera automatiquement compensé par des coupes horizontales dans les dépenses discrétionnaires.
c) Les emprunts, y compris la dette commerciale et les dépenses des autorités régionales et locales devraient être placées sous contrôle strict, conformément aux principes de la réforme en cours des relations fiscales intergouvernementales.
Au vu de la gravité de la situation actuelle des marchés financiers, nous considérons qu’il est crucial que toutes les mesures énumérées dans les sections 1 et 2 ci-dessus soient adoptées aussi vite que possible par décret-lois, suivies d’une ratification du Parlement d’ici fin septembre 2011. Une réforme constitutionnelle visant à durcir la législation fiscale serait également appropriée.
3. Nous encourageons aussi le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour assurer une vaste réforme de l’administration publique afin d’améliorer l’efficacité administrative et la bienveillance à l’égard des entreprises. Dans les services publics, l’utilisation d’indicateurs de performance devrait être systématique (en particulier dans la santé, l’éducation et le système judiciaire). Il est nécessaire de s’engager fermement en faveur de l’abolition ou de la consolidation de certains niveaux administratifs intermédiaires (comme les provinces). Les actions visant à réaliser des économies d’échelle dans les services publics locaux devraient être renforcées.
Nous espérons que le gouvernement prendra toutes les mesures appropriées.
Mario Draghi, Jean-Claude Trichet
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Texte et traduction Coralie Schaub et Sabine Syfuss-Arnaud, journalistes au service étranger de Challenges

Cela calme…
Je ne sais pas ce qui est le plus grave : le diktat, ou l’ineptie des mesures proposées. Car bien entendu, réduire fortement les dépenses et les salaires, c’est l’autoroute vers la dépression…
Notez, et pour prendre le contre-pied du discours d’extrême gauche que j’entends déjà, comme le disait Napoléon Bonaparte :
“Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au dessus de la main qui reçoit. [...] L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain.” [Napoléon Bonaparte (1769-1821)]
"En clair, vous ne pouvez vivre à crédit et tendre la main toute les semaines, et vous draper dans l’irréfragable indépendance des États et de libre administration de la Démocratie.
D’où ma position très ferme d’interdiction des déficits publics et de la dette publique, hors période de récession : le dette, c’est la limitation de notre indépendance, et donc de la Démocratie.
Mais bien entendu, cette règle d’or ne peut être votée qu’après une restructuration des dettes…
A ce sujet, je vous renvoie vers cette intéressante étude de Patrick Artus de Natixis : Quand un pays a une dette publique trop élevée, il doit faire défaut : seule la forme du défaut peut être choisie
Heureusement, nous sommes dans de bonnes mains, ils vont nous sauver"

papandreou rompuy barroso juillet 2011.jpg
Photo: AFP/Georges Gobet
Le premier ministre grec, Georges Papandréou, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso

"Euh, non, peut-être pas finalement…
En tous cas, un autre élément m’a franchement étonné la semaine passée. Avez-vous la une de l’Express du 21 septembre ?"
L'Express Les Coupables n°3142
"Très juste, mais franchement, inattendu de la part d’un grand magazine.
Je pense que cela montre que les mentalités commencent à évoluer.
Et vous ?"

Lien: Les-crises.fr

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