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mardi 29 novembre 2011

Le AAA de la France, débat dépassé

Source et remerciements: blogs.lesechos.fr 

Jamais les agences de notation n’auront pris autant de précautions pour préparer les marchés à une dégradation de note. Pourtant, le AAA français est condamné à court terme si la crise de la dette s’aggrave encore en Italie et en Espagne et si les prérogatives de la BCE ne sont pas élargies.

Depuis dix-huit mois, les acteurs de marché considèrent que la solvabilité de la France s’est dégradée plus vite que celle des autres pays AAA de la zone euro.

L’évolution de l’indice Euromoney Country Risk, qui compile la perception du risque souverain de 350 experts, l’atteste (le classement est établi sur une échelle allant de 0 pour les pays jugés les plus risqués à 100 pour les plus sûrs). Les agences de notation, elles, se sont montrées plus attentistes, voire conciliantes. Cependant, elles ont multiplié les signaux négatifs depuis la mi-octobre 2011.

Le 17 octobre 2011, Moody’s indique que les performances financières et le niveau d’endettement de la France en font clairement l’un des maillons faibles des Etats notés Aaa. L’agence décide donc de se laisser trois mois pour réviser la perspective du pays. Concrètement, cela signifie que, d’ici la mi-janvier 2012, Moody’s changera la perspective de la France de stable à négative si aucun élément nouveau (d’ordre politique, économique ou financier) ne vient renforcer la solvabilité du pays.


Le 20 octobre, Standard & Poor’s affirme que plusieurs pays européens sont susceptibles d’être dégradés si les prévisions de croissance du PIB sont encore revues à la baisse dans la zone euro. Des pays menacés, un seul est noté AAA : la France.


Le 21 novembre, Moody’s revient à la charge, s’inquiétant tout particulièrement de l’augmentation du coût de refinancement de la France à court, moyen et long termes. L’agence semble d’ailleurs moins inquiète du niveau des taux français en tant que tel que du
spread franco-allemand.

Enfin, le 23 novembre, Fitch se manifeste à son tour en expliquant que l’exposition de la France au FESF alourdit potentiellement son niveau d’endettement de 158,5 milliards d’euros (soit 8% du PIB), ce qui resterait dans les limites du soutenable. En revanche, une aggravation de la crise en zone euro et un ralentissement de la croissance (« stress scenario » retenu par l’agence) pourraient être fatals au AAA français.


Quelles conclusions tirer des différents arguments des agences ?


1/ La perspective d’une croissance quasi-nulle, voire d’une récession, en 2012 pèse négativement sur la qualité de crédit de la France. Ce n’est pas surprenant a priori, sauf que les agences s’efforcent traditionnellement de noter à travers le cycle économique (« through the cycle ») et que le ralentissement économique touchera l’ensemble de la zone euro et pas spécifiquement la France. En outre, comme Standard & Poor’s l’a justement rappelé le 25 novembre pour justifier la dégradation de la Belgique, une chute de la croissance du PIB pénalisera prioritairement les économies les plus ouvertes. Or, des pays notés AAA par les trois agences, ceux dont l’ouverture commerciale est la plus faible sont le Canada et… la France.


2/ La hausse des taux français qui a tant inquiété Moody’s est à relativiser. Au 25 novembre, les taux à 10 ans autrichiens étaient supérieurs aux taux français. L’Agence France Trésor parvient toujours à se financer à des taux très bas et la dernière adjudication de Bunds a été un
revers pour le gouvernement allemand. Depuis lors, les taux allemands ont nettement augmenté, le spread franco-allemand à 10 ans est repassé sous les 150 points de base, et les taux à 10 ans des pays européens non-membres de la zone euro (Royaume-Uni, Danemark et Suède) sont désormais inférieurs aux taux allemands. Manifestement, c’est l’ensemble des pays de la zone euro qui sont sous pression.

3/ La vraie menace sur le AAA français provient en fait du risque d’aggravation de la crise de la dette en zone euro. Contrairement à ce que le président de la Bundesbank a pu affirmer la semaine dernière, l’Italie (pas plus que l’Espagne d’ailleurs), ne peut se permettre d’emprunter durablement à plus de 6% à court terme et à plus de 7% à moyen-long terme. Ces taux rendent stériles les mesures de rigueur budgétaire prises depuis plus d’un an et obligeront à dégager des excédents primaires de plus en plus conséquents. Les gouvernements des troisième et quatrième économies de la zone euro sont donc condamnés à demander l’aide de l’Union européenne et/ou du FMI, faute de voir la BCE aller à leur rescousse en achetant massivement des titres italiens et espagnols. La mise sous tutelle de ces deux pays déclencherait vraisemblablement l’activation du FESF, ce qui gonflerait encore la dette publique des pays de la zone euro et renchérirait leur coût de refinancement. Le spectre d’une restructuration des dettes italienne et espagnole affaiblirait encore les banques des pays de la zone euro (dont les engagements avoisinent respectivement les 298 et 265 milliards d’euros) et accentuerait le « credit crunch » que l’on perçoit depuis quelques semaines. Ce « stress scenario » condamnerait inéluctablement le AAA de la France, quelles que soient les mesures d’austérité budgétaire supplémentaires qui seraient prises.



Le AAA français est largement dépendant de la capacité de l’Italie et de l’Espagne à se financer raisonnablement sur les marchés, comme c’était le cas jusqu’à l’été 2011. La volonté farouche de l’Allemagne d’empêcher la BCE de jouer un rôle de prêteur en dernier ressort de la zone euro pénalise certes la France, mais plus largement fait plonger le cœur de l’Europe dans la récession et la déflation.

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