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jeudi 19 janvier 2012

Une dégradation sur scène, un drame en coulisse

Source et remerciements à Boursikoter
Le vendredi 13 janvier dernier, les agences de notation sont revenues, pour le plus grand malheur des dirigeants européens, sur le devant de la scène. La rumeur n’a cessé de grandir tout au long de la journée. Aucun démenti n’a pu en venir à bout pour la simple et bonne raison que cette dernière s’est érigée en vérité à la vitesse de l’éclair. Le gouvernement français, en la personne du ministère des finances et de l’économie, a rendu les armes lors du journal de 20h. La France a perdu son trésor financier. Le AAA n’est plus. Vive le AA+ !
Trêve d’ironie concernant cette nouvelle qui, au final, n’a rien de surprenant. Tout le monde s’y attendait. Plus personne ne l’a redoutait. Alors à quoi bon en faire des tonnes ? Laissons aux politiques et aux soi-disant économistes, tout le loisir d’épiloguer dessus.
Toutefois, quitte à vous surprendre chers lecteurs, nous rejoignons l’avis de nos aimables politiques sur une question essentielle : le timing de l’annonce de la dégradation ! Pourquoi un vendredi 13 ? Pourquoi donner du grain à moudre à tous les fervents défenseurs de la superstition ? Autant de questions qui ne trouveront aucune réponse ici.
L’annonce des dégradations des pays européens a complètement occulté la véritable actualité économique de la journée. Le nouveau chapitre de la crise européenne n’a pas pour acteurs la France et SP mais bien un comédien bien connu du public, à savoir le malade non imaginaire qu’est la Grèce. C’est bien du pays hellénique que vient le dernier crescendo de la partition infernale. Vous savez, cette partition musicale qui se rapproche grandement d’un requiem mortuaire à la Mozart. Un petit air de fin de partie s’est joué ce vendredi 13 dernier.
Les négociations entre les différents musiciens concernant la restructuration de dette grecque ont brutalement pris fin et cela pour une durée indéterminée. Le secteur privé a décidé de quitté la table des négociations n’acquiesçant plus à l’idée d’un haircut de plus de 60% sur les obligations d’Etat. Les négociations sont donc au point mort et personne ne sait combien si elles reprendront un jour.
Pour bien comprendre le pourquoi du comment concernant cette triste fin annoncée il convient de rappeler plusieurs points importants.
Premièrement il faut acter un élément déterminant. Si les négociations n’aboutissent sur aucun accord d’ici au mois de Mars alors la partition grecque prendra fin. Le pays de Périclès doit se refinancer à hauteur de près de 14 milliards d’euros au cours du mois de Mars. Avec des taux à 10 ans proches des 35% il est quasiment certain que la mission se révèlera impossible.
Deuxièmement il faut se remémorer quelques détails non négligeables concernant notre affaire. Les principaux détenteurs de la dette grecque peuvent être séparés de la sorte : la BCE qui n’est pas concernée par les négociations sur le pourcentage de haircut à appliquer aux obligations, les banques grecques (on inclut ici la banque nationale) et les créanciers privés. Pour résumer la situation nous allons établir que les négociations impliquent d’un côté les créanciers privés et de l’autre le gouvernement hellénique. Le tout sous le regard attentif de la Troika (FMI et membres de la zone Euro). On pourrait également ajouter que même si la BCE n’est pas concernée directement par les négociations elle suit le déroulement du film de très près.
Troisièmement il faut se focaliser sur un élément crucial. Toute la négociation entre les différents acteurs évoqués précédemment se joue principalement autour de deux mots, « décote volontaire ». Il est impératif de comprendre la portée de cette expression. Si la décote négociée est volontaire alors nos amis les CDS n’entrent pas en jeu. A l’inverse si le mot « volontaire » disparait de l’accord en la faveur du terme « imposée » alors la partie prend une toute autre tournure. Oubliez vos paris haussiers et préparez vous pour le massacre. En effet si l’accord aboutit sur une « décote imposée » de XX% alors la planète finance tombe dans l’inconnu. Un inconnu crée de toute pièce par ces sympathiques produits d’assurance que sont les CDS (Credit Defaut Swap). Pour mémoire les CDS sont des produits financiers particulièrement opaques qu’on consentit de prendre nombre d’investisseurs privés (en premier lieu les Hedge funds, précision qui aura son importance pour la suite de notre argumentaire) pour s’assurer contre un éventuel défaut de remboursement de l’Etat grec. On dit qu’ils sont opaques car ils sont traités en dehors de tout cadre réglementé. Pour les plus connaisseurs, les CDS sont comptabilisés OTC (Over the Counter) ou hors bilan. Ils sont échangés de grès à grès entre les gros investisseurs de la planète en dehors de toute chambre de compensation. En d’autres termes ils échappent à tout cadre réglementaire.
Quatrièmement il faut évoquer quelques proportions et leurs significations. La BCE détient à elle seule une grande quantité de papiers grecs. Mais vu que cette dernière n’est pas concernée par les négociations alors on peut l’oublier pour le reste de l’argumentaire. En définitive les négociations portent essentiellement sur la dette détenue par les créanciers privés.
Cinquièmement il faut impérativement se pencher sur les différents acteurs qui composent la catégorie intitulée « créanciers privés ». Pour simplifier une nouvelle fois les choses nous allons en distinguer principalement deux. D’un côté les banques, assurances et autres entités de la sorte. De l’autre les hedge funds, ces fonds spéculatifs qui n’ont de cesse d’être montrés du doigt en temps de crise. Il semblerait que la grande partie de la dette grecque concernée par les négociations soit dans les mains des banques. Toutefois il semblerait également que les hedge funds aient accumulé un montant important de papiers grecs (on parle de plus de 80 milliards d’euros).

Revenons à notre argumentaire maintenant que nous avons éclairci ces différents points d’importance. L’Etat grec doit absolument trouver des fonds pour se refinancer en mars prochain car il ne peut pas faire appel au marché dans les conditions du moment (et cela pour longtemps à priori). La seule chance d’Athènes réside donc dans la signature d’un accord avec les créanciers privés. Condition préalable à toute nouvelle aide de la part du FMI et de la zone euro. Or c’est bien ici que le bat blesse. Les hedge funds refusent tout accord impliquant un haircut d’importance sur les obligations qu’ils détiennent. Or si ces derniers font obstacle à un accord alors il n’y en aura pas car le montant de dette qu’ils détiennent est bien trop important pour qu’il soit mis de côté. En d’autres termes ils refusent de signer pour une décote volontaire. Les représentants des créanciers privés n’ont donc d’autre choix que de quitter les négociations temporairement selon certain, peut être pour de bon selon d’autres. Mais pourquoi les hedge funds jouent-ils se petit jeu pas si suicidaire que ça en fin de compte ?
Nous vous répondrons qu’ils jouent avec les cartes qu’ils possèdent dans le seul but de perdre le moins possible sur leurs investissements. Ces fonds spéculatifs se sont couverts en masse via des CDS sur le papier grecs. Certains se sont couverts contre un risque de défaut de l’Etat hellénique, d’autres ont pris des paris spéculatifs sur une fin malheureuse de la Grèce dans la zone euro. Qu’importe, les hedge funds ont plus à gagner (ou moins à perdre) en faisant jouer les CDS plutôt qu’en acceptant un haircut de plus de 60%
Vous l’aurez compris, les hedge funds par leur action de refus systématique ont mis en péril les négociations sur le cas grec. Ils ont clairement pris le parti de rejeter le concept de décote volontaire qui pour l’instant faisait consensus. Or il n’y a pas d’autre solution pour sauver le soldat spartiate d’ici le mois de mars que de faire aboutir les négociations pour accéder à une nouvelle tranche d’aide. Seule la solution d’une décote imposée semble émergée. Solution qui impliquerait le déclenchement d’un évènement de crédit et donc ouvrirait pour de bon l’enfer des CDS.
Voila la véritable actualité du moment. Et si on ajoutait à cela que la majeure partie des CDS vendus aux hedge funds proviendrait des banques grecques, on comprendrait aisément l’ampleur des dégâts qui en résulterait (les banques grecques auraient vendu pour plus de 3 milliards d’euro de CDS sur le papier grec aux hedge funds, amusant n’est-ce pas ?)
En définitive la partie est bien mal engagée pour sauver le vaillant soldat grec. Les prochaines jours/semaines nous en diront plus sur l’avancée de la situation. Toutefois le doute est permis quant à une issue heureuse. Personne n’est capable de dire ce qu’il se passera si un évènement de crédit est déclenché par la commission qui gère les CDS. Les hedge funds vont bien entendu être désignés comme responsables et coupables de cette dramaturgie. Mais qui pourrait les blâmer de vouloir faire fonctionner leurs assurances ? Ce qui est à mettre en accusation ici c’est l’existence de produits financiers tels que les CDS. Il ne faut pas se fourvoyer ici. Les CDS sont utilisés ici comme des armes. Or ces dernières ont été autorisées par les mêmes institutions qui reprochent aux hedge funds de les utiliser. On appelle ca l’arroseur arrosé …
Malavan

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